
Ce samedi 1er mars, le parti politique EDE, dirigé par l’ancien Premier ministre Claude Joseph, a rassemblé plusieurs milliers de manifestants pour dénoncer l’inaction du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et du gouvernement face à la violence des gangs qui ravagent l’Ouest et l’Artibonite. “EDE P ap fè silans”, tel était le slogan de cette mobilisation présentée comme une révolte populaire contre l’insécurité.
Si l’exaspération de la population est incontestable, cette démarche du parti EDE soulève toutefois des interrogations majeures sur la cohérence et la sincérité de ses dirigeants. En effet, il n’y a pas si longtemps, EDE avait un représentant au sein du CPT, cet organe qui est aujourd’hui la cible de ses critiques. Comment un parti qui a participé à l’installation du pouvoir en place peut-il, sans ciller, se poser en opposant d’un système qu’il a contribué à façonner ?
Cette posture ambiguë illustre une tendance récurrente dans la classe politique haïtienne : l’instrumentalisation de la colère populaire à des fins de positionnement stratégique. L’histoire politique du pays regorge d’exemples de dirigeants qui, une fois écartés des cercles du pouvoir, revêtent soudainement les habits de l’opposition pour rallier une population meurtrie, tout en ayant été incapables d’agir efficacement lorsqu’ils en avaient l’occasion.
EDE dénonce aujourd’hui le “silence complice” des autorités, mais qu’a fait son représentant lorsqu’il était en poste au CPT ? A-t-il publiquement alerté sur l’inaction du gouvernement avant d’être évincé ? A-t-il proposé des solutions concrètes pour freiner l’emprise des gangs ? Ces questions restent sans réponse, laissant place à une suspicion légitime : cette mobilisation n’est-elle pas simplement une tentative de repositionnement politique ?
Il est clair que la population haïtienne aspire à une sécurité durable et à des dirigeants réellement engagés pour le bien commun. Mais tant que les hommes politiques continueront à se battre davantage pour leur survie et leur retour au pouvoir que pour résoudre les crises qui frappent le pays, la colère populaire risque de rester un éternel tremplin pour les ambitions personnelles, plutôt qu’un moteur de changement réel.
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